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20 mars 2012 2 20 /03 /mars /2012 22:20

Le Point.fr - Publié le 18/03/2012 à 10:30 - Modifié le 18/03/2012 à 15:11

Le pape de l'Église copte orthodoxe d'Égypte, gravement malade, est décédé samedi. Portrait d'un guide charismatique.

Shenouda point

Chenouda III, chef de l'Église copte orthodoxe d'Égypte. © Khaled Desouki / AFP


 

 

"Le pape Chenouda III était le symbole de la paix et de l'amour, c'était aussi l'un des principaux piliers de l'unité nationale." C'est en ces termes que cheikh Ahmed Al-Tayeb, le grand imam d'Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, rend un dernier hommage au pape Chenouda, auquel il était très lié.

Âgé de 89 ans, le chef de l'Église copte orthodoxe, évaluée entre 6 et 8 millions de fidèles (10 millions, selon la communauté), était gravement malade depuis plusieurs mois. Il devait subir trois séances de dialyse par semaine. Et un cancer aux poumons, déclaré sans recours lors de son dernier séjour aux États-Unis, en faisait un vivant en sursis. Cela ne l'a pas empêché de poursuivre sa mission jusqu'au dernier jour de sa vie. Le 8 mars, il a reçu la visite à huis clos de Mohamed Badie, guide suprême des Frères musulmans. Les deux responsables ont sans aucun doute analysé la situation politique et abordé le problème de la composition de la future Assemblée constituante.

Archéologie, littérature, journalisme

Le pape Chenouda III, qui a guidé l'Église copte orthodoxe d'Égypte pendant 41 ans, laissera le souvenir d'un chef spirituel et politique. Les événements l'ont parfois obligé à réagir avec vigueur pour défendre sa communauté.

Sa mission a commencé le 31 octobre 1971. L'évêque Nazir Gayed prend ce jour-là la tête de son Église sous le nom de Chenouda III. Âgé de 48 ans, le nouveau pape est un homme doté d'une forte personnalité, et c'est aussi un homme de grande culture. Avant de devenir prêtre, il a obtenu un diplôme de lettres à l'université du Caire, puis il a suivi des cours d'archéologie et de littérature anglaise. En 1948, le futur pape participe à la première guerre israélo-arabe, puis se lance dans le journalisme. Ce polémiste redoutable change soudain d'orientation, et décide de consacrer sa vie à Dieu.

Ordonné prêtre en 1954, Nazir Gayed vit pendant plusieurs années à Deir El-Siriani, l'un des monastères de Wadi-Natroun dans le désert occidental. Par la suite, il devient le secrétaire particulier du pape Cyrille Vl. Sacré évêque en 1962, il donne des cours au Grand Séminaire, et représente sa communauté lors de plusieurs congrès religieux, en Orient comme en Europe. À dater de l'automne 1971, l'amba (évêque) Chenouda III prend le titre de "pape d'Alexandrie et patriarche de la prédication de saint Marc et de toute l'Afrique".

Réclusion

Dynamique et ambitieux, Chenouda III veut que sa communauté se développe. Son tempérament l'incite aussi à relancer le dialogue oecuménique avec les Églises chalcédoniennes, au point mort depuis 1 500 ans. Il se rend au Vatican en 1973, et signe avec le pape Paul VI une "déclaration de foi commune". Une commission de théologiens est alors formée pour étudier les points de désaccord, notamment le Filioque, le purgatoire, l'Immaculée Conception, la primauté de Rome... Mais, en 2012, on ne peut toujours pas parler d'une entente totale sur ces divers thèmes.

Le moment tragique du pontificat de Chenouda III sera sa mise à l'écart et sa réclusion à Wadi-Natroun sur l'ordre du président Sadate. Le pape entretenait au départ d'excellentes relations avec le pouvoir égyptien, mais de graves incidents confessionnels vont intervenir. La politique occidentale de Sadate, puis son traité de paix avec Israël vont provoquer la fureur des extrémistes musulmans. On les voit soudain chercher à détruire des églises dans le Delta ou en Haute-Égypte, région à forte densité chrétienne. "Leurs attaques contre les coptes étaient un substitut à leurs attaques contre l'État", diront plus tard les politologues.

Cette lecture n'est pas encore évidente en 1980, et les citoyens coptes sont souvent molestés. Chenouda III dénonce dans ses sermons le laxisme de l'État. Le 29 mars 1980, le Conseil des Églises coptes décide même d'annuler les festivités de Pâques en signe de protestation. Sadate adresse alors à Chenouda III un avertissement sévère : "Un pape ne doit pas jouer au politicien, son rôle consiste à adorer Dieu."

Fidèle à Moubarak

Les attentats contre les coptes se poursuivent cependant, et le pape continue à s'insurger. Du reste, l'Égypte entière vit dans une sorte d'ébullition. Dans la nuit du 3 au 4 septembre 1981, Sadate fait arrêter 1 482 personnalités opposées à sa politique. Le 5, il prononce la destitution de Chenouda III, et le relègue dans l'un des couvents de Wadi-Natroun. Un chef d'État ne peut pas destituer un pape. L'Église copte orthodoxe trouve un compromis : Chenouda III demeurera son chef spirituel, tandis qu'un comité d'évêques sera chargé d'administrer les intérêts de la communauté.

Au mois de janvier 1985, le président Moubarak permettra enfin au pape de reprendre ses fonctions. Une page est tournée. Il regagnera Al-Morcossia, siège de l'Église copte orthodoxe au centre du Caire, mais changera de style. Chenouda III va désormais diriger sa communauté, et la défendre au besoin avec véhémence, mais sans attaquer l'État. Il sera fidèle à Moubarak pendant trente ans. Une adhésion que lui reprochent de nombreux fidèles.

Les coptes interdits de manifestation

Il n'autorise pas les coptes à participer aux manifestations de la place Tahrir en janvier 2011. Pour la première fois, les jeunes gens de sa communauté vont lui désobéir. Les mois suivants, il dénonce les attentats des salafistes contre les coptes, mais ne souligne pas cette insécurité due au gouvernement. Cela aussi lui sera reproché. Le 7 décembre 2011, c'est un prélat soutenu par plusieurs évêques qui célèbre la messe de Noël. Pour la première fois, plusieurs dirigeants des Frères musulmans assistent à cette messe. La rangée suivante est occupée par les généraux. Ce qui démontre la sagesse dont il a fait preuve durant ce dernier quart de siècle.

Le choix d'un successeur s'annonce difficile, aucun nom ne s'est imposé jusqu'ici. Le problème est d'autant plus grave que la situation de la communauté copte est difficile devant la montée du salafisme. À l'heure de l'épilogue, il est évident que Chenouda III a marqué de son empreinte l'Église copte orthodoxe d'Égypte.

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Par , au Caire

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